"Jazz is not just Music. It's a way of Life, It's a way of Being, A way of Thinking". Nina Simone

Le morceau du mois

Cheryl BENTYNE / Girl Talk

​​​Disques

André VILLEGER & Alain JEAN-MARIE / Time To Dream


"La vie, c'est l'art des rencontres" disait le grand poète Brésilien Vinicius De Moraes, chantre de la Bossa Nova. Cette maxime s'applique à merveille pour cette rencontre entre deux piliers du Jazz hexagonal, le saxophoniste André Villéger au style élégant et à la superbe sonorité, dignes d'artistes comme Scott Hamilton ou Guy Lafitte, et Alain Jean-Marie, pianiste délicat à la musique épicée par les parfums de sa Guadeloupe natale. Ces deux monuments de la scène Française se connaissent depuis bien longtemps mais c'est la première fois qu'ils gravent un album en duo. Dès le premier titre "You've Changed", leur complicité est évidente et s'installe immédiatement une ambiance feutrée, propice à la rêverie et aux soirées au coin du feu. Au programme, des ballades des meilleurs compositeurs (Duke Ellington, Jimmy Van Heusen, Mc Coy Tyner, Richard Rodgers ...) et 4 compositions originales d'André Villéger dont le délicieux "Monsieur Henri" en hommage à son ami Henri Salvador. Un album indispensable pour nous laisser le temps de rêver !

Il sort sur le label indépendant "Camille Productions", spécialisé dans le Jazz classique et qui vient de nous proposer, dans le même esprit, un autre excellent disque, "Fine Ideas", du trio Michel Pastre, Louis Mazetier et Guillaume Nouaux (Voir ci-dessous, la chronique de Philippe Vincent).

La sortie de "Time To Dream" est l'occasion de réécouter un autre duo, celui formé par Alain Jean-Marie et le contrebassiste Danois Niels-Henning Ørsted Pedersen (NHØP) sur l'album "Latin Alley", paru en 1988 sur le label Ida Records. 

EYM Trio Feat. Varijashree VENUGOPAL / Bangalore


Encore une histoire de rencontres, celle du Jazz du Trio EYM avec la musique Carnatique de la flûtiste et chanteuse Indienne Varijashree Venugopal. Ils se sont rencontrés dans la capitale du Karnataka et l'album porte donc tout naturellement le titre de "Bangalore". Elie Dufour (Piano), Yann Phayphet (Contrebasse) et Marc Michel (Batterie) sont les chantre d'un Jazz acoustique, ouvert sur les musiques du monde. Depuis 2011, ils multiplient les rencontres et les expériences et celle-ci est particulièrement réussie. L'album a été enregistré dans les conditions du Live, en un après-midi, dans les studios ICP à Bruxelles. Et de fait, il se dégage une grande spontanéité et une communion intense entre les artistes.
Cette captivante invitation au voyage et au partage des cultures mérite le détour.

https://eymtrio.com/       https://www.varijashree.com/

       

Sophie ALOUR / Le Temps Virtuose


Revoici la saxophoniste et flûtiste Sophie Alour, à la tête d'un bien joli quartet (Pierre Perchaud - Guitares, Guillaume Latil - Violoncelle et Anne Paceo - Batterie). Je l'avais découverte à Vienne, en 2004, avec le "Lady Quartet" de Rhoda Scott puis revue l'année suivante sur la scène du festival "Jazz en Tête". C'était alors une jeune artiste pleine de promesse. Depuis, elle a acquis une vraie maturité, remporté de nombreuses distinctions dont le prestigieux prix Django-Reinhardt de l'Académie du Jazz en 2021. Ce 9e album est donc celui d'une certaine forme de plénitude. Une musique très personnelle et je dois dire un peu déroutante de prime abord et qui nécessite plusieurs écoutes attentives pour en déguster toutes les subtilités.

"Le vrai virtuose, c'est le temps". Sophie Alour

Le regretté Philippe Carles avait dit d'elle "elle est à l'aise dans les graves élégants et le son de son instrument est serein mais jamais dénué de grain".

http://www.sophiealour.com/

       

Un morceau, une histoire

Nacio Herb BROWN & Arthur FREED / All I Do Is Dream Of You


"All I Do Is Dream Of You" a été composé en 1934 par Nacio Herb Brown (paroles d'Arthur Freed) pour le film de Clarence Brown "Sadie McKee" (Vivre et Aimer) avec Joan Crawford en vedette, dans lequel elle était chantée par Gene Raymond. On retrouve cette chanson dans plusieurs autres films, "The Night At The Opera" de Sam Wood avec les Marx Brothers, (1935), "Singin' In The Rain" de Gene Kelly & Stanley Donen (1952) et "Crimes And Misdeneanors" de Woody Allen (1989). Beaucoup de belles versions, en particulier celle de la délicieuse Stacey Kent "The Boy Next Door" (2003) mais aussi Dean Martin "Sleep Warm" (1959), Doris Day "I Have Dreamed" (1961) et Michael Bublé "Crazy Love" (2009),

       

       

Concerts / Anniversaire

Le Label Motema Music fête ses 20 ans !


Le label Motema Music a été fondé en 2003 par la chanteuse et compositrice Jana Herzen. Il a permis l'émergence d'artistes comme Gregory Porter ou Joey Alexander. A son catalogue on trouve également Charnett Moffett, Gerry Allen, Kurt Rosenwinkel, Jean-Michel Pilc, Lynne Arriale ou encore Monty Alexander... Afin de célébrer dignement cet anniversaire, plusieurs concerts auront lieu au Sunside / Sunset à Paris les 2, 3 et 4 novembre. Vous en retrouverez la liste sur le site du club. 

https://www.sunset-sunside.com/concert/2023/11/

Pour compléter cette commémoration, un album intitulé "20 Years Of Motema" va sortir. Il comprendra 40 des titres les plus emblématiques du label.

"Cela a été un voyage incroyable de travailler avec autant d’artistes prestigieux au fil des années, et je me sens bénie de pouvoir poursuivre l’aventure cette année avec ces sorties, qui reflètent collectivement les engagements fondamentaux de Motema de lancer de nouveaux compositeurs / interprètes merveilleux, de sortir des œuvres exemplaires de vétérans du jazz, de repousser les limites du jazz grâce à des collaborations entre genres et promouvoir des artistes virtuoses et émouvants qui élèvent les vibrations et “changent les molécules” dans les salles où ils se produisent". Jana Herzen

https://motema.com/

       

Jazz Live

Clermont-Ferrand / Festival Jazz en Tête


Une parenthèse enchanteresse en ces temps troublés, le festival "Jazz en tête", pour sa 36e édition, nous a offert (en ce qui me concerne du moins) deux concerts d'exception.

24 Octobre - Brad Mehldau.

18 ans après son premier concert à Clermont, Brad Mehldau est de retour, apparemment heureux de se retrouver ici et plutôt disert pour quelqu'un que j'ai connu plus introverti. Il ouvre le spectacle avec "John Boy", un morceau tout en sensibilité, de la véritable dentelle. Puis il enchaine les titres, une quinzaine, puisant dans son immense répertoire, compositions personnelles, reprises (Radiohead, Neil Young et évidemment les Beatles). Son dernier album "Your Mother Should Know : Brad Mehldau Plays The Beatles", enregistré en Live à la Philharmonie de Paris, est sorti il y a quelques mois. Véritable virtuose à l'incomparable musicalité, il vit intensément la musique et il convient de noter qu'à l'âge de la maturité, il est désormais plus concis dans son approche des œuvres qu'il interprète.
Et puis, il y a son incroyable main gauche qui dialogue en permanence avec la main droite au point qu'on a par moments l'impression d'entendre un duo de pianistes. Disciple de Fred Hersch, il est devenu, au fil des années, l'un des plus grands et ce fut un vrai privilège d'assister à son unique concert en France cet automne.

Parmi les titres interprétés : "John Boy", "The Falcon Will Fly Again", "In The Kitchen", "Optimistic", "Don't Let It Bring You Down", "If I Needed Someone", "She Said, She Said", "Paris", "Golden Slumbers", "How High The Moon", "Here's That Rainy Day", "Never let Me Go", "When I Fall In Love"...

       

https://www.bradmehldaumusic.com/


27 Octobre - Robin McKelle

Depuis la sortie de l'album "Impressions Of Ella", j'attendais avec impatience de voir Robin McKelle sur scène, voilà qui est fait. Tout d'abord, un mot sur ses musiciens. Evidemment, elle n'est pas venue à Clermont-Ferrand avec le trio de Kenny Barron. Cependant, elle est fort bien entourée par le contrebassiste Eric Wheeler, le batteur Francesco Cineglio et surtout, l'excellent pianiste Danny Grissett qui a donné le tempo de la soirée.
Trois mots pour caractériser sa prestation : présence, voix, scat. Présence car elle prend véritablement possession de la scène, échange généreusement avec le public et pour tout dire, se le met dans la poche. Sa voix ensuite, profonde et pleine de nuances, aussi à l'aise dans les graves que dans les aigus et pétrie de swing. Le scat enfin, car contrairement à l'album où elle faisait preuve d'une certaine retenue, elle lâche les chevaux pour nous offrir quelques Scats d'anthologie dignes d'Ella. Le répertoire est évidemment principalement constitué de morceaux de son dernier album mais aussi d'autres standards intemporels qu'elle s'approprie avec beaucoup de classe.
Et puis, au milieu du concert, le trio s'éclipse pour laisser la place au pianiste Shedrick Mitchell qui avait assuré la première partie du concert et ils jouent ensemble, en complices qui se connaissent bien, deux morceaux, "Head High", une composition de Robin et le "You've Got A Friend" de Carole King. Au final, un magnifique récital de Jazz vocal !

Les titres interprétés : "Something Got To Give", "Taking A Chance On Love", "Caravan", "Lullaby Of Birdland", "Embraceable You", "Desafinado", "Head High", "You've Got A Friend", "I Must Have That Man", "April In Paris", "How High The Moon", "Hallelujah, I Love Him So", "A Tisket, A Tasket".

       

https://robinmckelle.com/

Adieu Philippe - La chronique de Philippe VINCENT


En ce mois d’octobre, Philippe Carles nous a quitté. Rédacteur en chef de Jazz Magazine pendant plus de trois décennies, il fut aussi co-auteur du fameux Free Jazz, Black Power avec son beau-frère le cinéaste Jean-Louis Comolli, du volumineux  Dictionnaire du Jazz chez Robert Laffont et producteur à France Musique. Dans les années 80, nous avions pris l’habitude de nous voir  régulièrement autour d’un verre ou d’une assiette pour refaire le monde du jazz avant de se perdre de vue après mon départ de Paris. J’en garderai le souvenir d’un homme toujours disponible dont l’élégance du verbe le disputait à celle de la plume.

 

Simon Goubert faisait partie des musiciens que Philippe appréciait. Batteur dont l’excellent drumming fut vite adopté par un grand nombre de jazzmen, il rencontra en 2009 au festival de Saint-Louis du Sénégal Ablaye Cissoko, l’un des virtuoses de la kora, et c’est deux ans plus tard qu’ils enregistraient à Dakar un premier album ensemble, “African Jazz Roots”, titre qui est devenu le nom du groupe avec l’arrivée de Jean-Philippe Viret à la contrebasse et de Sophia Domancich au piano. Après un autre disque live en 2017, c’est aujourd’hui “Seetu” (Peewee !/Socadisc) qui vient enchanter à nouveau nos oreilles. Disons le tout de suite, c’est l’un des rares groupes qui a parfaitement réussi à mêler le jazz à une musique africaine traditionnelle. Loin des modes et autres tentatives plus ou moins réussies, c’est une véritable osmose entre les deux mondes qui nous est offerte, et ceux qui ne connaîtraient pas encore le son cristallin de la kora vont le découvrir avec émerveillement au milieu des autres instruments de l’orchestre. Un véritable régal !

       

Le pianiste Guylain Deppe n’a pas la notoriété que son talent mérite malgré les jazzmen de premier plan avec lesquels il a joué. Mais l’artiste est rare, discret, et il n’avait pas produit de disque depuis des années. Avec la complicité du chef Guy Savoy, maître d’un autre genre de piano, “Deep From Deppe” (Klarthe Records) nous est présenté sous forme de menu, le Tartare de Demi-Thon le disputant à la Variation en SOL Meunière. Ce disciple de Martial Solal avoue ici en solo un grand amour de la mélodie qu’il aime travailler, retourner, harmoniser, honorer au fil de ses compositions, souvent avec virtuosité. Enregistré sur un piano hybride « AvantGrand N3X » que Yamaha a mis plus de dix ans à mettre au point avec succès, voilà un album qui étonnera les amateurs de piano.

       

Mais que serait le jazz sans la trompette ! Depuis Louis Armstrong l’instrument a su garder son leadership quels que soient les styles et les époques et, au fil du temps, les musiciens ont su adapter son rôle aux nouvelles tendances. C’est le cas de Yoann Loustalot qui fut aussi magistral dans le flamboyant quartet Lucky Dog que dans ses orchestres plus intimistes. Avec cet “Oiseau Rare” (Bruit Chic/L’Autre Distribution) il se lance dans une nouvelle aventure en ajoutant à ses côtés un trio de cordes au piano de Julien Touéry et à la contrebasse d’Yvan Gélugne. Mais ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas ici d’une section hollywoodienne qui viendrait enrober les envolées du trompettiste. Les trois musiciens classiques sont parfaitement intégrés à l’ensemble, comme si Loustalot avait voulu développé avec eux certaines idées musicales de son magnifique album “Slow” paru il y a quelques années en en faisant une suite logique. Une prise de risque assumée pleine de sincérité et d’émotion qui nous transporte vers des sphères musicales bien loin des turpitudes terrestres. Magique !

https://yoannloustalot.com/

       

A la fois chanteur flamenco et saxophoniste de jazz, Antonio Lizana est une figure incontournable du jazz flamenco d’aujourd’hui. Réunissant sur “Vishuddha” (Cristal/L’Autre Distribution) une équipe de premier plan avec l’excellent Daniel Garcia au piano et Louis Winsberg invité sur un titre, il offre ici une musique pétrie de ses deux talents qui est pleine d’authenticité. Pour l’avoir vu sur scène, je peux assurer que cet orchestre est flamboyant sans jamais tomber dans la facilité. Une sorte de continuité de l’influence hispanique dans le jazz à laquelle Miles, Coltrane, Gil Evans et bien d’autres nous ont habitués, en version plus proche de l’Andalousie natale de ce jeune leader.

https://www.antoniolizanamusic.com/

       


Pour en revenir aux fondamentaux du jazz, la première des belles idées de “Fine Ideas” (Camille Prod/Socadisc) est de réunir trois des meilleurs représentants actuels du jazz dit “classique”, Michel Pastre, saxophoniste généreux dans la lignée de Coleman Hawkins et Ben Webster, Louis Mazetier, l’un des meilleurs spécialistes du piano stride de l’hexagone et Guillaume Nouaux, batteur essentiel de sa génération. De Satchmo à Django, du Duke à Lester Young en passant par Gene Krupa, les trois compères ont pioché dans le répertoire traditionnel pour en extraire quelques-uns de leurs morceaux favoris et, non pas les réinventer, mais les jouer, tout simplement, avec un plaisir non dissimulé. Une réussite.

https://www.guillaumenouaux.com/

 

Les jazzmen sont souvent des gens particuliers. Jultrane (de son vrai nom Julien Ndiaye) en est l’exemple. Détenteur d’un DEM de saxophone jazz il a aussi un diplôme de chaudronnier et il est également conducteur de téléphérique. Il est aussi l’un des meilleurs pilotes français de parapente et, comme ce descendant de marabouts sénégalais mord la vie à pleines dents, il a enfourché son vélo pour rejoindre Fréjus à Saint-jean de Luz en passant par Nantes, car le chemin le moins court est toujours le meilleur. Son album “Création” (Jazz Family/Socadisc) est gorgé d’une influence coltranienne majeure et, si Jultrane a laissé la révolution musicale à son glorieux maître, ce disque en  sextette arrangé avec goût et efficacité par le tromboniste Cyril Galamini est superbement réalisé et montre qu’il y a d’excellents musiciens aux quatre coins du pays. Et l’immense sourire qui illumine le visage de Jultrane transparait dans une musique aussi joyeuse qu’enivrante. Une découverte qui fait du bien !

https://jultrane.com/

       

Philippe Vincent



Directeur de la Société OMD (1983 - 1996) spécialisée dans la distribution de labels Jazz
(Enja, Timeless, Muse, Sunnyside, GRP, etc), créateur du label IDA Records (1984 - 1998)
qui enregistra Barney Wilen, Louis Sclavis, Laurent De Wilde, Enrico Pierannunzi
et bien d'autres, Philippe Vincent est membre de l'Académie du Jazz et collaborateur
régulier de Jazz Magazine depuis 2008.

Un artiste à découvrir ou à redécouvrir

Carl GROSSBERG (1894 - 1940)

Carl Grossberg est un peintre Allemand né à Ellberfeld en Rhénanie du Nord-Westphalie. Il étudie l'art au Bauhaus de Weimar. Il expose pour la première fois en 1926 et en 1929, il participe à l'exposition de la Nouvelle Objectivité au Stedelijk Museum d'Amsterdam. Deux ans plus tard, il obtient le Prix de Rome. Sa spécialité, les paysages urbains et la représentation d'usines et de sites industriels. Il décéde dans un accident de la circulation à l'âge de 46 ans.

Pont sur la rue Schwarzbach à Wuppertal - Huile sur Bois (1927)

Une photo, une histoire

Danemark - Elseneur - Le château de Kronborg - 25 août 2009

Le château de Kronborg est située près de la ville Danoise d'Elseneur. Avec la forteresse Suédoise d'Helsingborg située de l'autre côté de l'Øresund, le détroit qui sépare les deux pays, il permettait de contrôler l'entrée de la mer Baltique. Sa construction date de 1574 et il fut restauré à partir de 1639 suite à un incendie qui ne laissa subsister que la chapelle. Il est mondialement connu puisque William Shakespeare y situe l'action de sa pièce "Hamlet".

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Lionel Tison "Les Mystères de la Nature" - Acrylique 90 X 90 - Juillet 2023

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